Aloïs Brunner


Peace Be Upon You


ALOIS BRUNNER

Nouvelle écrite

Par Afaf Aniba

Ingué Van Mein remettait en ordre ses feuillets " Pourquoi n'avoir pas tout inséré dans une disquette ? Le contact du papier m'est encore plus cher ! " Pensa-t-elle. Ses yeux repérèrent un passage qui l'avait tourmentée toute la nuit : <<>>

Frantz apparut en complet veston. Il devait se rendre à son travail. Ayant pris seul le petit déjeuner, il venait s'enquérir de l'état d'avancement des travaux de sa femme :- « N'oublie pas de te rassasier ce matin avant d'aller à ton cours d'université ! », lui recommanda t-il. Elle hocha la tête, l'air préoccupé.

- Quelque chose ne va pas ? L’interrogeât-il. Elle lui donna le passage à lire. Sa lecture terminée, il leva la tête vers sa femme :

- Ce n’était pas une simple exécution d'un ordre, avant et pendant la guerre. Il a reçu des centaines d'ordres similaires, mais celui-ci est quelque peu hors du temps, lui fit-il remarquer.

- Bien, Frantz ! Convint-elle. Pourtant un des survivants de ce convoi de déportés a bien dit ceci : « Alois Brunner, inhumain, nous emmenait vers la mort et à la fin du voyage pour quelques uns de nous au lieu de la mort ce fut la vie qui nous attendait ! » Je suis peut-être en train de présumer, mais ce dernier acte de Brunner est beaucoup plus symbolique dans sa portée que l'aspect concret d'une obéissance d'un officier nazi ?

Réfléchissant, son mari garda le silence. Puis un coup d’œil sur sa montre le fit se lever : - Que dirais-tu d’interroger Alois Brunner ? Lui proposa-t-il à mi-chemin de la porte.

- Tu plaisantes ? ! S’exclamât-elle. Je ne sais même pas s’il est en vie !

- Moi non plus, fit son mari, seulement mon travail m’a apprit à tout tenter pour connaître la vérité. D’autres s’y sont essayés ; il est vrai qu’ils n’ont rien pu glaner de concret. Cela ne m’empêche pas de m’y mettre à mon tour. Tu dois me donner du temps, beaucoup de temps.

Elle réfléchit. C’était peut-être une perte de temps et pourtant s’il y avait une chance minime, il faudrait la saisir :- Et moi je ne te dirais pas non !

Son mari parti, elle décida d’éliminer le chapitre de psychologie disciplinaire. « Je la renverrais à la thèse du magister sur le comportement humain que je dois développer dès cet été. » Elle rangea ses papiers et tapa à l'ordinateur la plus grande partie de son cours. Dehors, un soleil timide se profilait à l’horizon.

Un quart-d'heure après, elle descendait la rue Humboldstrasse sur la rive de l’Elster Blanche. Tenant serviette de professeur d'histoire moderne à l'université des lettres de Leipzig, elle mit cinq minutes pour traverser l’enceinte de l’institut d’histoire. Ses étudiants la guettaient dans les jardins du bâtiment à l'architecture baroque du dix-huitième siècle.

En se lançant dans son cours, elle avait à l'esprit la suggestion de son mari," Frantz est le genre d'homme à ne pas parler à la légère." se dit-elle.

Trois semaines plus tard la jeune femme de trente trois ans soutenait sa thèse de doctorat sur le thème « Etude de comparaison historique entre la seconde guerre mondiale 39-45 et la guerre des Balkans 1992-2002. » Ingué Van Mein fut agrée avec succès Doctorat Honoris. Le premier a la féliciter fut son mari, qui est lui responsable régional du B.F.V*.

Un membre du jury, le professeur Hartfeng lui fit une remarque technique :

- N’est ce pas qu ‘une comparaison de la psychologie disciplinaire du comportement historique était inclue dans la deuxième partie chapitre deux, Frau professeur ?

Elle sourit subtilement :- Je ne suis pas encore maître de cours professeur. C’est exact, ce chapitre figurait, j’ai du le retirer à cause du premier personnage de projection qui est impossible à étudier.

- Ah ! Qui est-ce ?

- Alois Brunner.

- Cet homme est malheureusement jusqu’ici intouchable, mais nous ne devrions pas désespérer. Observa le professeur. Ingué et FrantzVan Mein hochèrent la tête d’un air entendu.

Six mois plus tard, envoyée pour son premier séminaire à Prague, Ingué constata l’intérêt des élites présentes à la terminologie juridique dans l’analyse des faits historiques. Confrontée à une question lancinante, elle cherchait à savoir à travers des rencontres, des conférences, des débats,des discussions à bâtons rompus ce que pouvait impliquait une tentative d’approcher un criminel de guerre. En quête de vérité historique et d’une approche réaliste du sujet étudié, toutes ses tentatives furent vaines et se heurtaient à cette irritante problématique « Aucune ambiguïté n’est de mise, un criminel doit être remis aux autorités compétentes sans faute, l’étude académique ne doit pas être un sauf conduit. » Tenace, elle travailla régulièrement à sa thèse de magister, se résignant à un fait « N'anticipons pas, chaque chose en son temps » avait-elle tranché en son for intérieur.

Deux années et demi s’envolèrent vite. Une matinée, vers la fin du cours, un employé de l'administration vint la prévenir, son mari était au téléphone. N’utilisant pas le portable, elle décrocha dans une cabine réservée à l’usage des conférenciers :

- Oui Frantz ?

- Ingué, rendez-vous à la maison à une heure trente, à tout à l’heure ! se contenta t-il de lui dire.

A l'heure convenue, elle sortit le cœur battant à tout rompre. Le trajet lui parut une éternité. Chez elle, son mari installé dans son bureau tourna vers elle un visage réjoui :- Chérie, j’ai une formidable nouvelle pour toi, notre homme est vivant. Lui déclara t-il alors.

Ebahie, elle répéta :- Notre Homme ??

- Oui Alois Brunner. Fit-il.

Elle faillit s’évanouir à ces paroles, bouleversée elle fit la voix tremblante :

- Je t’en prie, je suis sur des charbons ardents, parle ?

- Prépare tout de suite ton questionnaire, je le transmettrai à un intermédiaire, tu auras la réponse par Internet. Annonça-t-il imperturbable.

- Il est donc bien vivant, murmurât-elle en cherchant une disquette vierge :

- Donne moi le temps de tout enregistrer, moins d’une demi-heure Frantz. Dit-elle à haute voix.

- Et moi je vais commander deux pizzas, fit son mari en se dirigeant vers la porte.

- Frantz ! L’appelât-elle. Il marqua un arrêt, éperdue de gratitude elle lui dit la voix écrasée par l’émotion :- Jamais je n’oublierai, jamais !

Se détournant, il lança avant de disparaître:- Tout ce que j’ai fait est d’avoir tenté notre chance Ingué !

Van Mein réapparut, porteur d’un carton volumineux. Ingué, mémorisant ses données, observa :- Se contentera-t-il de répondre à mes questions ou développeras-il les réponses, je n’aurais pas le loisir de l’accrocher sur l’une d’elle, le courrier électronique en me parvenant sera définitif.

- Tu auras au moins des réponses, Ingué.

- En effet, voici la disquette, lui dit-elle, cet intermédiaire est-il en contact direct avec lui ?

- J’ai mis du temps pour mettre la main sur cette personne, la convaincre de nous servir de lien, lui parle-t-il, le voit-il ? Je n’en ai aucune idée et il vaut mieux l’ignorer. Ce soir, consulte ta boite au lettre. Je me sauve, fit son mari, délaissant sa part de pizza. Elle le reconduisit jusqu’à la porte de l’appartement.

Tout le reste de l’après-midi elle se débattit entre la crainte et l’espérance, révéler la cachette du criminel de guerre était rendu caduc. « La cause en est simple, pas le moindre indice probant sur son adresse exact, néanmoins il est vivant. », songeât-elle. Rentré tard, Frantz Van Mein la trouva en train de décrypter le courrier. De la salle de bain, il entendit un petit « Oh ! » Serviette à la main, il rejoignit sa femme. Celle-ci s’étant ressaisie, lui montra un ligne lumineuse :- « Lis », fit-elle simplement.

- Au dernier ordre de déportation, vous aviez la possibilité d’éliminer les prisonniers du convoi après l’évasion d’une partie d’eux,vous ne l’avez pas fait pourquoi ?

- J’avais ordre de les acheminer vers l’Allemagne, je l’ai exécute.

- De l’avis de tout ceux qui vous cherchent inlassablement, vous êtes un homme froid et intelligent. Cette dernière déportation peut-elle être le fait d’un homme tel que vous ?

- ...

- Quelques Juifs déportés par vous la dernière fois ont trouvé le chemin de la liberté. Pourquoi un homme aussi endurci que vous par la philosophie de l’élimination physique a commit un acte contraire à tout ce qu’il avait cru jusque là, un acte venant à la fin ?

- Sur terre il n’y a pas de fin madame. La fin réelle irréversible est celle désigné par Dieu, pas par se créatures.

- Le faite que ces prisonniers Juifs ont retrouvés la liberté à la dernière déportation que vous avez faite, n’est pas en soi un aveu d’échec pour le système que vous avez représenté ?

- Victoire ou échec n’ont jamais signifiés grand chose à l’homme que je suis, après un peu plus d’un demi-siècle de la défaite allemande, moi je vis !

- Ne sommes nous pas tous fils d’Adam et Eve ?

- Si, nous sommes aussi fils d’Abel et Caïn !

- Monsieur la vie est-elle un don ou un devoir ?

- Un don qu’on devrait assumer en bien ou en mal. Une cinquantaine d’année en arrière, nous avons cru l’avoir assumé dans le bon sens. A Jérusalem, il y a aujourd’hui une espèce d’homme et un type de régime politique qui décrète insolemment le caractère juif d’un état bâtit sur une occupation barbare d’une terre qui ne leur appartient pas et sur la négation des droits de ses habitants authentiques les Palestiniens !

- Que direz vous à vos juges qui vous traquent ?

- Ils ne m’auront jamais. Le seul à même de me juger est Dieu. Ensuite, ces juges ne le sont pas. Ils n’ont qu’a se voir dans le miroir de leurs consciences. Ils se reconnaîtront des visages de coupables !

- Appartenir à une doctrine criminelle n’est-il pas en soi condamnable ?

- Si.

- Vous êtes vous rendu coupable en connaissance de cause ?

- J’ai tué en ne me sentant ni meilleur ni supérieur. Nous ne devons donner la mort qu’a ceux qui sont mauvais !

- Le pouvoir de vie et de mort dont vous avez usé à volonté, seul Dieu le détient monsieur Brunner, qu’avez-vous à dire ?

- Ce pouvoir, tous les hommes en ont abusés depuis Caïn et ce sera ainsi jusqu’au dernier jour de ce monde. De l’avoir détenu m’a pourvu de cette vérité. J’ai péché, je le conçois et justice devrait être rendue au jour du jugement, bonne chance madame !

Abasourdie, Ingué Van Mein leva les mains au ciel :- Pas le moindre regret et c’est à moi qu’il souhaite bonne chance !

Relisant le message électronique, Frantz eut un air détaché en disant :

- Noir sur blanc il a dit j’ai péché, cela est éloquent.

- Dira-t-on qu’il est vivant ?

- Bonne chance est destiné à la décision que tu auras prise à ce sujet !

Il faisait nuit dehors, un froid primitif enserrait la ville. Déterrer quelque chose de mort ne la ressusciterait jamais, d’une manière ou d’une autre Alois Brunner était un homme mort dans l’esprit de ses victimes comme des survivants de la seconde guerre mondiale, mort parce que le temps a prouvé qu’il était intouchable, insaisissable. Ingué regarda son mari longuement.

- J’ai compris, fit-il enfin. Justice devrait être rendue par Dieu.

FIN

Alois Brunner capitaine SS, l'un des principaux adjoints d'Eichmann dans la section anti-juive de la Gestapo responsable de la déportation de 120 000 juifs en Europe Commandant du camp de Drancy de juillet 1943 à juillet 1944, il réside en Syrie à Damas depuis 1953 dernière adresse en 1992 fut rue GEORGE HADDAD (indication tirée de Historia n 89Janvier 1996)

*BFVservice de la protection de la constitution.

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